Poèmenons-nous florilège
Un poème
Un recueil
Un univers, un paysage qui naît en Poésie
Un autre recueil... et quelques autres pour faire la Poésie d'un poète...
Poèmenons-nous
Florilège
UN UNIVERS EN POÉSIE
La poésie du touchant...
parce qu'il y a la terre,
parce qu'il y a toute une terre durant
un ciel azuré pour faire le beau temps
ou un ciel de grisaille
pour faire la mélancolie avec la pluie,
parce qu'il y a les prés
pour aller y cueillir le bouquet de sauvageonnes,
parce qu'il y a les bois
même quand les lauriers sont coupés,
parce qu'il y a le tour de la terre,
parce qu'il y a un voyage
et qu'il est peuplé d'hommes
qui regardent et lisent dans d'autres yeux,
parce que les yeux pleurent et s'épanchent d'un chagrin,
parce que les yeux rient et frisent,
parce qu'ils s'émeuvent,
parce qu'il n'y a pas d'yeux sans relation avec le cœur,
parce que les hommes vivent et parlent,
cherchent une autre bouche
et que d'autres bouches leurs répondent,
parce qu'ils s'entendent,
parce qu'ils s'aiment et construisent :
castors dans l'âme... la réalité de leur bonheur,
parce qu'aimer caracole
sur la pyramide des sentiments
et tout petit et tout grand à la fois,
son fruit s'incarne en un enfant plein d'innocence.
La poésie du touchant...
parce qu'elle brasille en pleine lumière loin des ténèbres,
parce qu'elle ombre et peint
le clair-obscur de la vie en milliers de scènes
sans que jamais dans son souhait sincère
le rideau ne tombe,
parce qu'elle compose notre essence
comme la musique nourricière au ressentir.
La poésie du touchant...
parce qu'elle dit vrai, vraiment vivant et poésie...
à ce qu'on imagine...
Extraits de “ Et aux mots d’éclore”
Préface
L'amour et le temps commencent depuis tout le temps, commence dès la jeunesse quand il y a tout le temps. Ils sont de l'essence d'exister et leur seule réciproque et aimer dans le temps.
Tout ce fait par ou avec amour, il trône sur un piédestal mais comme la fleur d'un bouquet au pré.
On le donne pour le recevoir, on le cherche pour qu'il dure toujours, on le trouve et voilà le serment juré qu'il faut tenir. Parfois éphémère, comme l'étoile filante, comme le Dieu papillon qui vient voleter un été... il passe à la page du vécu qu'il faut tourner.
Feu : il enflamme les sentiments qui s'épanchent et les larmes des chagrins qui gémissent n'éteignent jamais à l'instant son drame.
Il a tous les visages et celui d'un sourire, sa bouche élargie à l'explicite.
Il a tous les temps : celui d'attendre comme les statues, comme les objets et la patience des cœurs, celui d'attraper qui éternise les secondes des aveux yeux à yeux, celui d'accélérer pour se retrouver au rendez-vous, celui de vieillir et flétrir la beauté lisse de l'attachement, celui de retarder parce que l'heure cessante et la déchirure, celui de se souvenir en faisant un nœud à son mouchoir ou d'oublier comme un petit Poucet qui ne retrouverait plus ses cailloux.
L'amour et le temps et tant d'amour et si peu de temps... le début d'un amour... voile de trouble, trouble têtes, double-croche, accroche-coeurs...
Un amour de nécessité des couleurs intégrales, où le relief et dans l'arc-en-ciel, le trait de formes et de sens, de pleins, de déliés, de partout oxygéné, d'une inspiratrice du grand air, d'atmosphères, de rideaux intimes, d'attentions géantes, de saint Valentin ... et que plus rien n'existe jusqu'au dérisoire qui se meurt, de vols de nuit décollés pour le rêve, de volupté... et qui se déploie et s'évase... la réalité d'un bonheur.
Un amour... une promesse : jamais le dessèchement de tout.
Seconde... seconde... seconde...
Horloge sentinelle appendue au mur de la vie.
Alain Bontemps
Les mots, leur éclosion
et un rapport au temps...
Sablier....
et mille baisers... au pré
Clepsydre... les bras aimés...
Un horizon
Enfance
CADRAN SOLAIRE...
Un pour toujours et le dépenser sans compter...
BOUQUET AU PRÉ
Pour ses prunelles
la pimprenelle
pour son air ravi
l'ancolie
pour l'ange délicat qui ne froisse pas l'herbe rustique
l'angélique
pour ses mains qui cueillent le bouquet sans flot
des coquelicots
et pour un sourire encore
des boutons d'or
pour, au pré, sa liberté d'alcôve
la mauve
pour l'innombrable à la raison d'aimer
la sauvage pensée
pour qu'elle ne l'effeuille jamais trop vite
la marguerite
et pour elle et le tendre instant regardeur
la fleur de mon cœur
JE SUIS...
Je suis du versant réjoui,
de ce qui darde d'un sourire,
de l'ode à la joie,
de l'étoile du soleil
et de la voûte étoilée.
Je suis d'un jaillissement,
de la volupté de l'esprit,
de n'être jamais pris,
un vent librement.
Je suis des lèvres tendues de l'amour,
de sa bouche
et de tout embrasser.
Je suis d'un printemps qui pousse,
de la biche et son faon,
du bonheur aux trousses,
du bonheur devant.
Je suis de la raison de vivre,
de la saison bercée d'un encore,
de prendre à bras le corps.
Je suis du feu bien après la guerre
flambant dans la nuit et le jour,
je suis pour.
Je suis de la force du sang,
d'un attachement vivant,
de la réponse exaltée,
d'une chevauchée .
Je suis du règne de l'espoir,
de l'envie rutilante couronnée,
des bois, des champs, des blés
et d'aucun au revoir.
Je suis d'un souffle à enjamber le temps
et de respirer ce qu'il sent.
Je suis de la sève de l'ardeur,
des couleurs chaudes qui étincellent,
des embellies qui apparaissent demoiselles,
de toutes les saveurs.
Je suis de la source limpide
du sentier qui rejoint,
de tous les jeux innocents,
de l'enjeu d'être humainement.
Je suis de ce qui invite,
de l'âme envolée pour accueillir,
des yeux conquis qui s'illuminent,
de l'enfant pris par la main,
de l'ami avec l'ami qui cheminent,
d’aujourd’hui, de demain.
Je suis des accords en deux mots
et de tous les mots de la nomenclature du dictionnaire
sur cet air…
de l'entame jusqu'à l'épilogue,
des détours à ne jamais finir...
Je suis du versant ensoleillé...
Le temps est une multitude de jalons posés par la vie
pour que les hommes ne se perdent pas...
JE ME SOUVIENS PETIT ENFANT
Je me souviens petit, chenapan,
le chemin de l'école sac au dos,
le chemin buissonnier jalonné de parties de billes
où Gavroches un genou à terre dans le caniveau
nous entonnions " C'est la faute à Voltaire,
c'est la faute à Rousseau " , fautifs d'un retard.
Je me souviens petit, écoutant,
la leçon de la maîtresse au tableau
et au pupitre sage comme une image
le problème du robinet et de l'eau
parfois récompensé d'une image.
Je me souviens petit, récitant
les tables de multiplications,
deux fois deux quatre, quatre fois deux huit,
les poèmes en déclamations,
Paul Fort et le bonheur qui a fui.
Je me souviens petit, écrivant
sous la dictée le texte difficile
sans comparaison avec la dictée de Mérimée,
et pourtant, âpre effort en rien d'infantile
l'apprentissage de la langue aimée.
Je me souviens petit, chantant,
" Meunier tu dors, ton moulin ton moulin va trop vite,
ton moulin va trop fort "
et forte de reprendre en cœur la classe à pleine voix.
Je me souviens petit, jouant,
dents de lait, pas toutes mes dents,
une poule sur un mur qui picorait du pain dur,
le gendarme et les voleurs,
la balle au camp
et quand le coup de sifflet nous rappelait
la fin de la récréation.
Je me souviens petit devenu grand,
quand il n'est plus l'heure de l'école,
à chat perché et Jacques a dit,
les rondes sous le préau,
le goûter de l'après-midi
et je ne sais encore d'où sortait un escargot tout chaud.
Je me souviens
et je me souviens de qui je suis…
Qu'il est grand ce petit.
LE JEU QUI VOLE
Air
Voler
Icare sans se brûler
Olympe de légèreté, oh ! il vole
Nananère ! le mien va plus loin
D'un jeu a flotter sur l'air
Encore du geste décolle la plume de papier
Pliage voyage
Ader Clément
Plané : long, long, long
Insouciance qui se lance
Envol virevoltant ; le message sans mot a le ciel à écrire
Rêve sur l'aile des airs, le tien fait aussi bien que le mien
LE TEMPS A SA CHANSON
L'eau coule sous le pont des amours :
c'est la chanson de la patience
qui ne va pas plus vite que la musique,
c'est la chanson sans réticence
qui va au pas idyllique
de l'amour aimé.
Tu dis viens
et je pose la première pierre
qui érige la promesse du premier jour.
Tu dis tiens
et tu donnes la pierre qui se superpose
qui monte le mur vers où caracole la bonne étoile.
Tu dis crois
et je mets du cœur à l'ouvrage
parce que tu incarnes ma croyance.
Tu dis chante
et ma gorge se déploie
dans le refrain beau comme le jour
de notre raison d'être.
Tu dis repose-toi et n'abandonne pas
et je reprends des forces pour deux,
mesure le chemin en regardant plus haut.
Tu dis demain
et je sais l'effort de longue haleine,
toutes les pierres nécessaires à l'édifice.
Tu dis de jour en jour
et notre amour nous le voulons éternel.
L'eau coule sous le pont des amours :
c'est la chanson de la patience
qui ne va pas plus vite que la musique,
c'est la chanson sans réticence
qui va au pas idyllique
de l'amour aimé.
Et puis un jour, tu dis oui au pied de la maison
et voilà la première marche.
Je sais que le temps à sa chanson
pour gravir l'escalier du bonheur.
PASSE LE TEMPS
Passe-temps
le temps de le vivre, de le prendre
Passe-partout
le temps d’ouvrir toutes ses portes
Passe à l'as
le temps de lui échapper
Passe au crible
le temps d'en être sûr
Passe-passe
le temps de le rendre magique
Dépasse
le temps de l'accélérer
Surpasse
le temps de l'exalter
Ne repasse pas
le temps de le voir filer
Trépasse
le temps de l'avoir perdu
Impasse...... du temps passé...
UN OUBLI
Comme un quelque part qui ne connaîtra personne,
comme un fantôme délaissé d'une mémoire
qui ne hante pas :
complice de disparaître sans resurgir,
petit Poucet qui ne retrouverait plus ses cailloux,
perdu.
Le temps trop tôt
Le temps pressé
Le temps à temps
Le temps attrapé, à point nommé
Le temps trop tard
Le temps tant pis quand il y a toujours le temps....
DANS LE CŒUR D'UN HOMME
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur.
Hors de lui, éparpillés au vent
ses bons sentiments n'ont plus de fleur.
Là, où secourables d'autres ont une pomme
lui n'offre à croquer que la pierre.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur,
il n'y a plus de sourires pour les enfants :
il a dit non et non aux pleurs,
il a fermé la porte en somme,
perdu en lui l'enfant heureux et cher.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur,
il n'y a plus d'amis, plus d'adresses maintenant,
l'amitié n'a plus droit a ses heures :
son livre s'arrête au premier tome
et sous son plus beau jour était hier.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur
pour qui fait l'aumône, le mendiant,
il n'y a plus le geste mais le heurt
qui du désœuvrement rien ne gomme.
Il y a, oublié, le don humain à la misère.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur.
La compassion de s'émouvoir le regard content
a fait place aveugle et sans peur,
sans remords, à l'indifférence comme
les volets clos à la lumière.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur,
Il ne vit en son âme que le triste absent :
misanthrope sans frère et sans sœur
prisonnier d'un avare somme
en ses veines sans généreuse rivière.
Dans le cœur d'un homme
il n'y a plus de cœur,
il n'y a que le vide résonnant
de ne pas être, de ce qui se meurt,
rien que le machinal métronome
qui croit être d'un égoïsme fier.
Dans le cœur d'un homme,
il n'y a plus de cœur,
il y a, caché…
un crève-cœur qui ne sait plus le faire parler.
LES YEUX
J'ai les yeux en face des trous
Les yeux pas dans ma poche
Les yeux qui frisent
Les yeux plus gros que le ventre
Les yeux de velours
Les yeux de Chimène
Les yeux qui cillent, font des clins d'yeux
Les yeux qui ne baissent pas
et se regardent droit dans les yeux dans la glace
Qui parlent et qui se disent :
c'est à d'autres yeux qu'il faut dire tout ça...
UNE ÉTOILE À SON CIEL
Tu es mon ciel sans nuages
Mon ciel bleu
Mon premier ciel qui me découvre
Le second qui m’explore
Le troisième qui me révèle
Le quatrième qui trouve la face cachée
Le cinquième qui m’enflamme
Le sixième qui me rend braise à jamais
Le septième ciel et rien de plus haut et fort…
Et moi une étoile du jour
Du premier jour
Du second
Du troisième
Du quatrième
Du cinquième
Du sixième comme au premier jour
Du septième et le plus beau des jours
Et des jours pour toujours...
À PROPOS DU TEMPS
Il y a…
le temps périmé de la seconde passée,
le temps neuf du vécu de l'instant…
et l'heure exacte : celle de ne pas y penser...
Extraits de “Assortiment fantaisie”
L'imagination invente le jeu
Le jeu et le poète jouent
Il n'y a pas de modèle
Il y a des mots, des expressions
pour modeler les fantaisies
LA PREUVE DE L'INNOCENCE
Au-dessus de tout soupçon
Un bon Dieu donné sans confession
Un poussin sorti de l'œuf
qui dit : je n'y suis pour rien
UN BESTIAIRE ET LES HOMMES
Un zèbre
Un éléphant
Un loup
Un âne
Une couleuvre
Un crabe
Un ours
Une guêpe
Une girafe
Un lapin
Une vipère
Un coq
Un chien
Un chat
Une autruche
Une colombe... et les hommes…
drôles de zèbres
qui trompent énormément,
qui ont une faim de loup,
têtus comme des ânes,
fainéants comme des couleuvres,
dans le panier de crabes,
comme des ours mal léchés
avec je ne sais qu'elle guêpe qui les a piqués,
qui écrivent girafe avec deux f et la peignent,
qui posent des lapins,
ont une langue de vipère
et sont fiers comme des coqs,
qui se comportent comme des chiens
ou des chats échaudés qui craignent l'eau froide,
qui ne font que la politique de l'autruche
et oublient la blanche colombe et sa paix...
AUTOUR DE LA MÉMOIRE
Avec un mémento
la mémoire et de papier
De mémoire d'homme
on se souvient
Avec une mémoire d'éléphant
on garde tous les films du passé
Avec une tête de linotte
on sait que l'on a oublié...
ON...
On tance d'une remontrance
On gronde la faute commise
On réprimande la bêtise faite
On dispute l'enfant qui n'a pas été sage
On gourmande et ça ne se mange pas
On enguirlande et la fête est sans guirlande
On admoneste, les reproches vont au coupable
On azore et le rappel est à l'ordre
On chapitre avec sévérité…
Et ce sera toujours au suivant...
RAT DES VILLES OU RAT DES CHAMPS ?
Rat comme le temps
rajout au sourire
ravage à la triste mine
avec l'espoir en goguette qui fait hep !
du côté de la campagne
mais ratata la musique fait le ronron,
ramolo au boulot, rameur
rabougri au lit
rafistolé au matin
râleur et raniania
rabat-joie
rat du raz-de-marée de la foule
rat du ras le bol des autres indifférents
de ce qui bouscule
de l'air qui n'en a plus
rat du laboratoire qui fourmille
au ras des pâquerettes absentes
rat d'une insignifiance
rat à raccrocher se qui rate là
ce qui étouffe pollué
ce que plus rien n'attache ou rattache
rat sans anicroche
pour l'accroche de ce qui pousse sans béton dessus
rat où bon me semble
rat où le vent me porte et me sème
tige à la fleur bien dans le bain champêtre
bien dans sa tête qui s'offre le bouquet des près
composé de coucous, plus rare : de pensées
rat de ce qui creuse
de ce qui ouvre l'appétit, ragoûtant
rat où raffoler
où rattraper la fuite du temps au temps perdu
sans raffut, radouci
ranimer à la saveur de vivre
rat sorti de la souricière des villes
trop petite et trop grande à la fois
ra du tambour ! avis aux villageois
et au raton laveur qui habite la rivière
et le poème de Prévert
je reste et bat votre pays : village, campagne.
UN PETIT MOT
C'est riquiqui
C'est fête sur un confetti
C'est puce dans la tête d'une puce
C'est petit qu'on voit au microscope
C'est minuscule sur la poussière d'une particule
C'est vie dans le premier cri
C'est enfant au début de grandir
C'est mon petit coquelicot dans la chanson
C'est une attention tendre qui attendrit
C'est un petit mot gentil
SANS FAIRE SEMBLANT
Être connu comme le loup blanc,
faire chou blanc,
être cousu de fil blanc,
montrer patte blanche,
la neige, son manteau blanc,
blanc bonnet et bonnet blanc,
la blanche colombe, le clown blanc,
cerisiers rouges et pommiers blancs,
la couleur du cheval blanc d'Henri IV ?
le blanc de Meudon ou d'Espagne,
la blanquette au riz blanc,
jamais tout blanc ou tout noir,
un blanc dans mon poème...
PAS LA MORT DU PETIT CHEVAL
Que je perde mon pinson
que rien ne soit plus gai, heureux
que le temps pleuve des cordes
qu'il pleuve, qu'il mouille
que ce soit la fête à la grenouille
que l'herbe me soit coupée sous le pied
que mon cœur soit fendu
que je casse ma tirelire
que l'argent ne repousse toujours pas
que je casse un miroir
que cela me vaille sept ans de malheur
que je perde au jeu
que je me prenne à être pris
que je sois en retard
qu'après l'heure ce ne soit plus l'heure
qu'une épine se plante dans mon pied
que personne ne la retire
que tout tombe à l'eau
que tout... sauf les poissons dans l'aquarium
que rien ne tourne rond
que tout ailles de travers
que tout soit patraque
ça n'est pas la mort du petit cheval...
PETITS SOUS
J'ai quatre sous dans ma poche,
je me suis fait propre comme un sou neuf
et dans ma tête j'ai deux sous de jugeote.
Si un sou c'est un sou,
j'irai quand même à l'opéra de quatre sous
et si je n'ai plus rien dans ma poche…
j'aurai encore deux sous.
DE CE QU'ON DIT À L'USURE DU TEMPS
Je ne t'ai pas oublié
Je ne t'ai pas
Je ne t'ai
Je ne t'
Je ne
Je
.................................
Les fantaisies enfantées
Le jeu est un recueil
Le joueur celui qui le lit
et fait parti du jeu...
Extraits de “Un opuscule mine de rien”
Les mots n'en ont pas l'air
ILs sont simples, ils sont beaux
ILs sont d'être regardeurs de la vie
Ils respirent les sentiments
On les écrits...
pour qu'ils ne soient pas les paroles en l'air
LE THÉÂTRE DU MATIN
La salle de bains
Un étirement prolongé
Devant la glace
Les trois coups, début de l'acte
Réplique en aparté : "J'aime bien ce que vous faites"
Jeu
Amusé :
L'œil qui frise
La récréation au sourire qui s'ébat
Le relief d'une blague qui fait sa tête qui ne la fait pas
Colérique :
Le visage rubescent qui couve l'éclat de voix
dans la gorge d'un diable prêt à sortir de sa boîte
Triste :
La mine éteinte, défaite, qui porte un jour de pluie
qui pleure goutte à goutte avec elle
Amoureux :
La marguerite à la bouche
Fleur blanche au fleur bleue
L'efflorescence des traits palpitants autant que le cœur
Laid :
Une grimace qui torture les rides
Informe au sommet de sa forme
Un cri d'orfraie sorti du train fantôme des entrailles
Beau :
La grâce d'un cygne sur son lac qui se lisse de son aile
Intangible qui rend l'amour
Intelligent :
Une réponse qui prend les devants
dans l'étincelle du regard sur un foisonnement d'idées
Captation de tout et dernière réplique
Rideau quand la lumière s'éteint
Elle se rallume : "les décors sont de la salle de bains du quotidien et le costume :
le pyjama de la nuit"
Des envies d'applaudissements
Peut-être un peu cabotin ?
Il y a un théâtre ce matin...
PAR LE PARC
Au milieu d'une charmille :
un vieux banc un peu vermoulu,
sa peinture décapée par le temps d'être là.
Il est tout nu,
on s'assied sur lui encore
et sa pudeur ne rougit plus.
Il passe l'hiver au nord,
même sous la neige ;
au milieu du parc il siège.
Il a supporté tant de poids :
ceux des fessus dames et messieurs.
Il a soupesé, plus léger parfois, celui d'un oiseau :
poids de plumes, de pattes et de becs
venu picorer les quelques miettes
tombées d'un frugal sandwich.
Au bord de l'allée menant à la mare aux canards,
comme une halte qu'il prépare aux musardant,
il garde un point de contemplation.
Immobile et statufié, il prend la pose de la station assise,
son profil à l'inspiration qui épouse
les quelques mots qui font dire : "On est bien, ici" .
Prêt à accueillir,
il est un rendez-vous à qui on a oublié les yeux
pour taire les baisers des amoureux,
ne rien surprendre, impassible, de leur cour.
Il demeure là, toujours.
il demeure, là, solitaire à l'instant
à l'opposite d'une poubelle,
un papier gras sur lui
pour regretter d'un infoutu :
le geste auguste inaccompli.
Il a la vieillesse sage qui ne s'aigrira jamais...
PETITE PLUIE
Il bruine, il pleuvine
La pluie tombe légère
Rien ne se devine
Et l'ondée souhaitée passagère
Dans sa longueur de temps
Dans le caniveau ravine
Il pleuvote, il crachine
Il pleut peu à peu
Et sans faire aïe !
Il mouille en plein jeu
Dans les flaques s'éclaboussent deux gamins
autant que les arroseurs sont arrosés
Pour l'un quelqu'un a crevé un nuage
Pour l'autre c'est un pipi du ciel…
UN COEUR À L'HEURE
C'est un rendez-vous dans un autre cœur
C'est un baiser dans la seconde de se retrouver
C'est la minute de ne plus se quitter
C'est leur amour
C'est deux cœurs
AZUR
Quand le ciel est bleu
Qu'un moment nous accorde
l'espace temps d'une tête dans les nuages...
On a la tête dans aucun d'eux
On a la tête dans le bleu...
VOICI UN PRINTEMPS
Voici un printemps
Avec vous dedans
Voici tant et tant d'amour venant
Voici l'hirondelle
Volant sur l'air
Voici l'air du temps
Il chante vert sur les feuillées nouvelles
Il chante les fleurs uniques ou en ribambelles
Il chante tout le temps
Voici un printemps
Avec vous dedans
Vous retournerez au bois
Au bois du muguet de l'an
Vous en ferez un bouquet
Cueilli frais par les enfants
Voici un printemps
Avec vous dedans
Regain et tenue plus légère
Sa sève monte à l'engouement
Et entend sa messagère
Voici un printemps
Avec vous dedans
Voici tant et tant d'amour venant
Voici l'hirondelle
L'hirondelle fait le printemps
LA CHAMBRE D'HÔTEL
Le lit est défait.
Les draps froissés encore chauds d'un plaisir mûr.
Un répit semble prolonger les langueurs de la nuit,
la véraison et l'extase des fruits qui se sont croqués.
De la fenêtre et sa croisée,
les rayons précoces du matin, passé le demi-jour,
baignent suaves la chambre.
Des rideaux que rien n'a endormis
s'échappent encore les mots de l'alcôve,
de ces mots tendres et passionnés
qui se prononcent entre les baisers.
Deux corps mouvants
au souvenir des heures proches écoulées d'un été de nuit
dessinent une chorégraphie de fantômes édulcorant l'espace,
un miroir ne les voit pas.
Puis, l'absence suspendue à un parfum de femme couvre le secret des amants.
Deux verres vides laissant des orbes sur un plateau sur une chaise,
bus sans avoir besoin de courage ni plus d'ivresse, sans doute,
ont mouillé d'osmose les gorges et les sens.
Un tube de rouge à lèvres reste oublié sur une petite table basse
comme si l'oubli laissait la trace des sentiments un temps abritée.
La porte est restée ouverte,
à sa clenche reste accroché : Ne pas déranger…
Quand les rideaux soufflent et complètent… “Deux fruits ensoleillés” .
PAR LA FENÊTRE
Regarder par la fenêtre
Avoir besoin d'autre chose
Sortir, regarder par l'horizon
Trouver la chose
Y mêler ses jambes et marcher dans son histoire
Trouver que l'on nous raconte... un beau pays
LETTRES
Un jour, il lui écrit une lettre
Son lendemain, il lui écrit une lettre
Chaque jour, il lui écrit une lettre
Il voudrait lui écrire toutes les lettres
Il n'a que celle des sentiments du jour
Puis un jour, il lui porte ses mots…
Et l'être a remplacé la lettre.
LE FEUILLET D'AUTOMNE
Image
Automne
Images sages des jours raccourcissant
Grand effeuillage de la luxuriance morte
Un arbre majestueux à la ramure déployée
Une feuille jaune comme le souvenir chaud de l'été
Une autre feuille "roux orangé", vitamine imprimée
comme le stigmate de l'énergie des jours ensoleillés
Une feuille qui tombe dans le tourbillon d'une dernière danse
Le bal qui déshabille feuille après feuille
et encore, chargée d'inéluctable, celle rouge de la colère
qui s'insurge auprès de la mort funèbre qui prend la vie
Le violon de la tristesse qui joue octobre
Blême et suffocant, dans la brume, le seigneur des forêts peu à peu dénudé
Deçà, delà, balancées par le zéphyr,
la toison emportée pour étendre le tapis de la saison mélancolique
Un homme debout sur le layon
Un homme qui s'agenouille
Une de ses mains ramasse au sol quelques feuilles
les unes sur les autres formant un feuillet d'images
Avec l'autre et le pouce dans le geste qui feuillette
les images sages s'animent du folio scope végétal
Le regard pendu à leur interstice qui les laisse voir
l'homme se relève, puis ballant et musardant
dans une douce nostalgie s'en va avec un peu d'automne...
PARFOIS
Parfois, c'est comme chaque fois :
il se love à l'opposite sur son fauteuil.
Parfois, c'est encore une fois :
les fleurs du vase qu'il mordille sur la table.
Parfois, c'est comme ça, une fois :
quelque chose qu'il n'a jamais fait :
monter sur la niche du buffet.
Parfois, c'est pour une fois :
il n'est pas bredouille,
il revient de la grange avec une souris.
Parfois, c'est tout à la fois :
un enfant espiègle,
une tête qui se frotte si belle de sollicitude,
un ronron qui berce.
Parfois, c'est tout chat...
ILS PASSENT
Ils passent
comme les oiseaux volent à un autre bout de ciel
Ils perdent leur face
quand au bout de la rue… il s'effacent
Personne ne les suit
Ils tracent leur route
sans l'empreinte d'un passage
Comme les oiseaux de passage
ils ont un ciel dans la tête
un nid sans nuage
un vol dans le cœur
pour l'amour de leur âge
Ils marchent avec plus loin en tête
Ils iront trouver l'oiselle
au bout de leurs pas
comme à tire-d'aile
les oiseaux vers là-bas
La vie passe avec eux
Personne ne les connaît
Elle cherche la place pour leur nid
que petit à petit l'oiseau fait
Ils passent
comme les oiseaux volent à un autre bout de ciel
Ils vont inconnus…
quand la vie sait où elle va...
Des scènes de mots ,
des scènes de vie qui entrent en scène chez le lecteur
sans jamais vouloir que le rideau tombe...
Extraits de “Comme une cueillette”
Cueillir :
Comme un peu de vie que l'on prend à chaque fois...
RÔLES
Il y a un rôle dans un jour de pluie
Il est pour un parapluie
Il y a un rôle qui suit la direction du vent
Il est pour une girouette
Il y a un rôle dans le beau temps
Il est pour une chemisette
Il y a un rôle avec la balançoire
Il est pour l'enfant qui batifole
Il y a un rôle avec le banc
Il est pour qui vient s'asseoir
Il y a un rôle pour venir
Il est pour le chemin faisant
Il y a un rôle pour le souvenir
Il est dans le cadre pour maman
Il y a un rôle pour le temps
Il est dans l'horloge appendue
Il y a un rôle comme un serpent
Il est pour le ruisseau qui sinue
Il y a un rôle dans la forêt
Il est pour la mésange noire
Il y a un rôle aux reflets
Il est pour la fontaine où boire
Il y a un rôle avec le trèfle à quatre feuilles
Il est pour la chance
Il y a un rôle qui s'effeuille
Il est pour l'automne de plus en plus nu
Il y a un rôle qui s'émeut
Il est pour l'heureux d'un sourire
Il y a un rôle bleu
Il est pour le ciel du ressentir
Il y a un rôle dans le miroir
Il est pour qui l'on est
Il y a un rôle sans solitude
Il est pour ceux que l'on connaît
Il y a le rôle de mille et mille instants
Il est pour les vivants
Il y a beaucoup de rôles
Le premier rôle est pour la vie
UN MATIN S'ÉVEILLE
Glissé longuement dans la nuit,
encore allongé sur la campagne dans l'engourdissement de l'inerte,
le matin au creux de son lit ouvre la lueur diaphane du crépuscule.
Sur un arbre, une chouette pousse un hululement et bouscule le silence.
Du rideau nocturne apparaissent des chemins bordés de couleurs
et mêlés à des restes d'ombres.
Des bosquets de bouleaux s'érigent en relief et se détachent du ciel
dans les prémices d'ascension du jour.
À leur pied, la rosée casse son collier et pare de perles l'herbe coquette.
Les maisons du village, au bout de la perspective des glèbes en plein étirement, montrent à nouveau leurs fenêtres.
L'aurore au soleil levant du lointain a commencé le jour...
Bientôt l'Angélus...
CE QUI POUSSE
Ce qui pousse : c'est un panier d'osier au bras l'anse sur le chemin du hallier
dans l'or d'août où les ronces mûrissent leurs fruits.
Ce qui pousse : c'est une danse dans le petit vent entre les herbes balancées
et les colchiques mauves du pré.
Ce qui pousse : c'est la luzerne pour les garennes manger.
Ce qui pousse : c'est la semence où on vit semé.
Ce qui pousse : c'est d'y promener le chien.
Ce qui pousse : c'est d'y revenir demain
parce qu'il pousse au calendrier...
La couleur du temps
Le tableau du jour
La vie vaquant à tout
Contre ou pour
On prend la couleur
On ne change rien d'elle
On peut changer la couleur en dedans
DEVENIR ARBRE
Le brout au pied d'un tronc
sort de la mousse
L'arbrisseau à la jambe d'un centenaire de la forêt
se hisse au parangon
L'arbre à son apex,
au-dessus du déploiement de sa feuillée
sait qu'on le voit tutoyer le ciel...
UN PETIT COIN D'EAU
L'anarchie des pierres le borde.
Ni rond, ni carré : il a la forme inspirée qui s'insère au puzzle du jardin.
Ses nymphéas fleuris blancs et jaunes son l'archipel sur l'onde
où saute une grenouille qui dit beaucoup de choses et coasse.
Du trèfle d'eau se dévoile dans la transparence émeraude
et fait les détours à la nage lente des poissons rouges.
Des roseaux émergent d'un peu de verticalité
et suivent de leur épi de velours, doucement, l'air qui flâne.
Un saule pleureur qui pleure des feuilles d'argent, tout à côté,
tombe comme une cascade
et la fraîcheur se respire comme les sels d'être bien.
Un petit coin d'eau trop petit pour être enjambé par un pont japonais...
Un petit coin d'eau comme un peu de Monet...
L'ÉPOUVANTAIL
Né d'une bigarrure,
il apparaît comme un bonhomme perché dans un cerisier
au milieu du printemps.
Sur une branche, il s'appuie avec de vieux souliers
quand les cerisiers en fleurs sont blancs.
Un gibus coiffe sa tête,
une immortelle jaune, séchée, y est plantée.
Ses cheveux de paille platinée lui font une frange
et ses yeux en bouchons de liège sont blanchis,
un clou de girofle au centre de chacun nous regarde
d'un visage en chiffon de lin sans être hâve.
Un marron en guise de nez, en son milieu, respire avec le temps.
D'un trou à l'endroit de la bouche, il nous persuade qu'il parle.
Un veston noir ne le confond pas avec un clown.
Des pinces à linge en bois, au bout des manches,
deviennent des mains à cinq doigts.
De bric et de broc, un bonhomme vit dans son arbre,
une ficelle ceinture sa taille et maintient un pantalon de toile grise.
Sa présence à l’air patibulaire, seulement surprise à se mouvoir par temps de vent, effraie les oiseaux.
Au milieu du printemps... les cerisiers sont blancs.
LE SORT
Le sort de la lumière du jour
pose son révélateur sur les couleurs,
ouvre ses yeux
quand tous les autres yeux s'ouvrent sur l'horizon.
Le sort de la lumière du jour
entre la nuit et la nuit
échappe aux ténèbres,
perce d'un faisceau au milieu des arbres la clairière.
Le sort de la lumière du jour
imprime le ciel sur l'onde mouvante de la rivière.
Quand meurt le jour jusqu'à éteindre l'occulte des transparences
il reste les rayons du soleil
qui brûlent d'un feu pour d'autres hommes, ailleurs,
et dit : "À demain, quand la Terre aura fait son tour".
À REGARDER...
Je regarde ma maison avec mon chat sur le pas de la porte
Je regarde l'heure au clocher qui va bientôt sonner midi
Je regarde l'emblavure où poussera la rente de mes efforts
Je regarde la blanchaille pêchée au bout de la ligne
Je regarde le blanc-estoc d'où vient le bois pour me chauffer
Je regarde les reines-des-prés prises dans la friche pour mon estomac
Je regarde un roitelet à la huppe jaune qui siffle sur un frêne
Je regarde une pomme tavelée dans le verger pour la croquer
Je regarde une coccinelle, la bête à bon Dieu, posée sur ma main
Je regarde le vieux moulin réparé, ses grandes ailes tournant
Je regarde la route de toujours à bicyclette, à travers le champêtre
Je regarde...
et je peux regarder en moi... la richesse d'un vécu
LA POÉSIE DU PISSENLIT
Du pissenlit se cueille l'aigrette
et d'un souffle dans le vent,
d'un souffle : la petite tempête
disperse et va volant.
Du fruit après la fleur,
la soie se suspend légère;
la dent-de-lion a le cœur
de se perdre d'éphémère...
AU JARDIN... LA NUIT
Au jardin, s'ouvrent les onagres :
rehaut après le jour déchu.
Au jardin, se découvrent
les corolles assidues à regarder la lune.
Au jardin des ombres, au goûteur de frais,
les jaunes miroitières de l'été volent le sommeil.
Au jardin, ardentes parmis le noir étanché,
leur retentissement appelle les papillons de nuit.
Au jardin vespéral éclosent des soleils
qui brillent sous ce qui luit...
Un petit mot
Un petit geste
Un petit cœur sur le mot
Une petite attention avec le geste...
Un petit supplément d'âme...
UN AMOUR
Le début d'un amour
Voile de trouble
Trouble-tête
Double-croche
Accroche-coeurs
Un amour
De nécessité des couleurs
Intégrales
Où le relief est dans l'arc-en-ciel
Le trait de formes et de sens
De pleins, de déliés
De partout oxygéné
D'une inspiratrice du grand air
D'atmosphères
De rideaux intimes
D'attentions géantes
De Saint-Valentin entre les fleurs et les cœurs
Et que plus rien n'existe
Jusqu'au dérisoire qui se meurt
De vols de nuit décollés pour le rêve
De volupté
Et qui se déploie et s'évase : la réalité d'un bonheur
Une promesse : jamais l'oubli extravagant, le desséchement de tout
Un dernier extrait et ne nous quittons pas sur un amour
Alain Bontemps.